Violences conjugales : les députés donnent leur accord pour le bracelet antirapprochement
Le projet de loi, porté par les Républicains, prévoit également des ordonnances de protection plus efficaces, et entend donner un nouveau souffle au téléphone « grave danger ».
La proposition de loi Les Républicains (LR) sur les violences faites aux femmes a été adoptée mardi 15 octobre à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale. Le texte prévoit la mise en place du bracelet antirapprochement, des ordonnances de protection plus efficaces, et entend aussi donner un nouveau souffle au téléphone « grave danger ».
Adopté avec le soutien du gouvernement en première lecture par 551 voix contre 2 et 1 abstention, il intervient en plein Grenelle des violences conjugales. En 2018, 121 féminicides ont été enregistrés, selon le ministère de l’intérieur, et déjà autant cette année d’après les associations.
Consentement du conjoint violent
Le bracelet antirapprochement (BAR), que l’exécutif veut mettre en place au début de 2020, permet de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents par le déclenchement d’un signal, avec un périmètre d’éloignement fixé par un juge.
Ce dispositif a fait ses preuves dans plusieurs pays, notamment en Espagne depuis dix ans, mais n’a jamais été testé sur le terrain en France, malgré plusieurs votes pour des expérimentations. Lire aussi « Aux femmes assassinées, la patrie indifférente » : les « colleuses » d’affiches veulent rendre visibles les victimes de féminicides
Le texte de loi propose de généraliser le BAR, aussi bien par décision de justice au civil qu’au pénal, sous réserve du consentement du conjoint violent. Celui-ci était indispensable pour éviter un risque d’inconstitutionnalité.
Selon l’auteur de la proposition de loi, Aurélien Pradié, le conjoint violent sera toutefois fortement incité à accepter le bracelet au pénal pour éviter la détention provisoire ou pour bénéficier d’un aménagement de peine s’il est déjà condamné.
Au civil, s’il refuse le bracelet, le juge aux affaires familiales (JAF) pourra en aviser immédiatement le procureur de la République.
Délai maximal de six jours
Créée en 2010 et délivrée par le juge aux affaires familiales, l’ordonnance de protection permet de mettre à l’abri une personne victime de violences conjugales et statuer sur les mesures relatives aux enfants et au logement. Jusqu’ici, le JAF saisi devait se prononcer dans « les meilleurs délais » sans limite de temps, et la moyenne était passée à quarante-deux jours.
La proposition de loi lui fixe un délai maximal de six jours pour trancher et l’incite à statuer sur l’ensemble des prérogatives dont il dispose : logement, modalités d’exercice de l’autorité parentale… Si le juge délivre une ordonnance de protection, l’auteur des violences aura l’interdiction d’acquérir ou détenir une arme.
Pour le logement, nouveau principe : la victime pourra, si elle le souhaite, rester dans le domicile du couple, et il reviendra au concubin violent de se reloger.
Si la victime quitte le logement, le texte prévoit à titre d’expérimentation une aide financière – prise en charge de la caution ou de la garantie locative, avance des premiers mois de loyer… Ce dispositif sera testé trois ans.
Contre l’avis du gouvernement, des députés LR ont aussi fait voter un amendement demandant aux préfets d’attribuer « en urgence » un logement aux femmes victimes de violences sur le contingent de logements réservés de l’Etat. Reste à voir si cette mesure sera maintenue après le passage du texte au Sénat.
Elargir l’accès au dispositif
Testé dès 2009 en Seine-Saint-Denis et à Strasbourg, le téléphone « grave danger » a été introduit dans la loi en 2014.
Muni d’une unique touche permettant d’appeler les secours, cet appareil est octroyé pour six mois renouvelables aux femmes victimes de violences conjugales qui en font la demande. Une fois enclenché, il permet une intervention rapide des forces de l’ordre.
En 2018, les téléphones « grave danger » ont permis 420 interventions, contre 282 en 2017.
Mais ils restent trop peu déployés. Les « deux tiers dorment dans des placards » de l’administration, faute de décision pour les attribuer, a insisté Aurélien Pradié.
La proposition de loi entend faciliter et élargir l’accès à ce dispositif, que les victimes pourront directement réclamer auprès du procureur de la République. Le téléphone « grave danger » pourra être attribué plus tôt, quand l’auteur des violences est en fuite ou avant même une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime.
Source : lemonde.fr